O.V. Vijayan

O.V. Vijayan

The Legends of Khasak1

Traduit du Malayalam par O.V. Vijayan

Penguin Books India (1994)

Généralement reconnu pour avoir révolutionné et modernisé la littérature malayalam2, une appréciation qui semble avoir reçu un assentiment confirmé par le nombre de réimpressions dont il a fait l’objet dans sa version originale, ‘The Legends of Khasak’, publié en 1969, est également l’un des rares romans traduits du malayalam auquel nous avons accès aujourd’hui.

Conçu et se déroulant dans l’Inde postcoloniale et post-partition des années 1950, un pays alors dirigé par un gouvernement de centre-gauche à la tête duquel, un premier ministre (Nerhu) qui entre autres initiatives, procède à une réorganisation des états et tente de faire la promotion de l’éducation primaire, O.V. Vijayan situe son récit au Kerala (pays d’où il est originaire), un état officiellement créé en 1956 qui, en 1957 élit un gouvernement communiste. Pour ce roman, O.V. Vijayan, s’inspire notamment d’une expérience vécue dans le village de Thasarak au Kerala et, en tant que militant de gauche, il conçoit un récit en accord avec ses idées.  Mais lorsqu’en 1958, l’auteur vit une grande désillusion politique3 (qui sera suivie d’une période de mise en question), il décide finalement de donner une orientation  différente à l’œuvre en cours.  Doté d’une intrigue délicatement tracée en filigrane, ‘The Legends of Khasak’  se présente dès lors, suivant les termes employés par l’auteur, comme une balade du ré-enchantement.

Le récit s’ouvre avec l’arrivée de Ravi; bagage en main et vêtu de safran, celui-ci débarque dans ce bout du monde avec pour mission d’y ouvrir une école et d’y enseigner. On sait peu de choses au sujet de Ravi et tandis qu’il s’efface rapidement pour se fondre parmi une foule de personnages, nous le voyons s’intégrer peu à peu à cette petite société au sein de laquelle il franchira une étape déterminante dans son cheminement personnel.

Relatant divers épisodes ou événements ayant trait à l’existence de l’un ou l’autre des personnages et alternant d’un point de vue à l’autre sans jamais s’attacher à un fil précis, -un procédé intéressant quoique déstabilisant-, ce récit nous offre une expérience multi-facettes de l’univers qu’il dépeint.

Oracle fourbe, astrologue réincarné en sorcier, mullah visionnaire, limonadier médisant, chasseur de serpents doté de pouvoirs surnaturels, puisatier cocu, crétin rêveur, jeunes filles en fleur ou femmes victimes d’un mauvais sort, comptent parmi les nombreux acteurs prenant part à un quotidien souvent miséreux mais invariablement nourri d’histoires, de magie, de drames, de passions et d’antagonismes.

Caricaturiste de métier, O.V. Vijayan dresse un tableau peu détaillé, peu approfondi, mais habilement dessiné à coup d’images et d’allusions, et nous entraîne dans un univers presque mythique, une bulle à l’intérieur de laquelle se déploie un monde à la fois réaliste et magnifié, où l’existence se déroule à un rythme qui lui est propre, suivant des lois ancestrales nourries de légendes, de croyances, de superstitions et autres spiritualismes.

La prose est onctueuse, les mots sont tendrement posés sur la page comme les couleurs d’une aquarelle, le récit évolue à rythme lent et, valsant entre réel et surréel, il aborde divers thèmes sans toutefois s’y attarder.

Certes, l’écart inhérent à la traduction rend difficile l’appréciation de la qualité linguistique attribuée à l’original4, mais cette version traduite par l’auteur4, n’en est pas moins riche et rend assez bien justice, il me semble, à la personnalité du texte ainsi qu’à l’originalité de son contenu qui, à eux seuls, justifient la découverte de cette charmante balade au pays des légendes.

Notes

  1. Titre de l’édition française: Les légendes de Khasak.
  2. Langue parlée dans le sud de l’Inde et comptant environ 36 millions de locuteurs.
  3. En postface,O.V. Vijayan révèle que la nouvelle de l’exécution du Hongrois Imre Nagy a fortement ébranlé ses convictions politiques.
  4. Certains critiques estiment que chacune de ces deux versions constitue un ouvrage distinct.

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