Agnes Sam

Jesus is Indian and Other Stories

African Writers Series – Heinemann Educational Publishers (1994)

Dans la foulée d’Uhuru Street par M.G. Vassanji, j’avais envie de prolonger ma découverte de la littérature inspirée par et/ou décrivant les expériences vécues par ces hommes et ces femmes, descendants de ceux qui recrutés en Inde ont quitté famille et patrie pour aller travailler en Afrique et y sont restés. D’une recherche à l’autre je suis tombée sur ce titre dont le sens m’a immédiatement interpellée.  

Je n’avais jamais entendu parler d’Agnes Sam, une discrète auteure, arrière petite-fille d’un ouvrier  qui, encore enfant, est arrivé en Afrique du Sud au XIXe siècle et y aura travaillé sous contrat pendant 53 ans. Née en Afrique du Sud en 1942, après avoir étudié à l’Université du Lesotho Agnes Sam a enseigné au Zimbabwe et en Zambie. Exilée en Grande-Bretagne dès 1973, elle y étudie la littérature et en 1989, c’est sous la bannière de The Women’s Press qu’elle publie Jesus is Indian.

Composé de quinze récits, le recueil est fort pertinemment introduit par une brève description de l’histoire et des conditions dans lesquelles ont vécu les Indiens d’Afrique du Sud, histoire qui du reste fut longtemps passée sous silence dans les comptes-rendus et autres manuels d’histoire du pays. Parallèlement à la découverte de sa propre histoire, ce long silence, cette inexistence de la  communauté sud africaine à laquelle elle appartient fait partie des motivations qui ont amené l’auteur à écrire et à s’exprimer sur le sujet.

Adoptant une perspective féminine ainsi qu’une approche sobrement féministe et politisée, les histoires relatent donc d’expériences vécues par des petites filles, des jeunes femmes, des épouses et des mères nées en Afrique du Sud au XXe siècle. Encadrés par une mise en contexte plutôt sommaire, ces histoires illustrent divers aspects de la réalité avec laquelle sont confrontés les Indiens de seconde et troisième génération vivant dans ce pays. Elles mettent assez bien en relief l’impact qu’auront eu la colonisation et le régime de l’apartheid sur les conditions d’existence, l’éducation, la langue, la religion, le mode de vie, la culture, les relations intra et inter raciales, les conflits de génération, le mariage, les droits civiques, etc.

Bref, nombreux sont les thèmes abordés à travers ces récits, thèmes que l’auteur semble fort bien maîtriser, mais considérant les limites imposées par la nouvelle, j’ai parfois trouvé regrettable qu’ils n’aient pas été mieux mis en relief ou encore explorés plus à fond par le biais de récits plus étoffés, voire plus longs.

Pour ne donner que deux exemples parmi les quinze récits, je pense d’abord à la nouvelle ayant pour titre Jesus is Indian, une histoire où, à travers un devoir d’école, une petite fille dévoile non seulement les détails du contexte familial où elle vit, mais également ceux du contexte scolaire où elle est éduquée. Ce récit dont le point de vue, le vocabulaire et la narration sont bien maîtrisés, m’a semblé être particulièrement réussi, tant sur la forme que sur le contenu. En revanche, The Story Teller qui raconte comment de jeunes Indiens se font piéger par des hommes sans vergogne venus recruter des travailleurs pour le compte d’exploitants/colons sud africains en manque de bras, m’a paru trop bref, trop peu développé par rapport au sujet et au message qu’il souhaite transmettre.     

Mais en dépit d’une qualité inégale, si tant est qu’on leur accorde toute l’attention requise, ces récits dévoilent peu à peu une réalité rarement évoquée et un univers à la fois riche et prégnant.

Méconnaissant cette partie de l’histoire d’Afrique du Sud, certes il aura fallu que je pallie à mes carences pour mieux saisir la portée des récits, mais au fil de ma lecture j’ai appris et j’ai découvert tout un monde. Ces nouvelles m’auront donc sensibilisée à certains aspects de la réalité sud-africaine, suffisamment pour me donner l’envie d’en savoir plus.

 

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