Aris Alexandrou

 

La caisse

Titre original : To Kivôtio

Editions Kedros, 1974

Traduit du grec au français par Colette Lust

Cambourakis, 2014

Intriguée par le résumé proposé en quatrième de couverture, je dois donc avouer que ça n’est ni pour son titre ni pour sa réputation que je me suis laissé tenter par cet unique roman d’un auteur qui, à ce jour, reste pratiquement méconnu dans nos contrées.

Aristotelis Vassiliadis est né à Pétrograd en 1922 d’un père grec et d’une mère russe. En 1930 la famille s’exile en Grèce. Devenu traducteur et membre du parti communiste, Aris A. connaît la persécution et l’internement. Après le coup d’état des colonels (1967), avec son épouse qui l’accompagne, il prend le chemin de l’exil et part vivre en France.

Composé entre 1966 et 1972, La caisse consiste en une longue déposition écrite par un prisonnier, seul survivant d’un groupe de militaires triés sur le volet auquel le parti communiste a confié une mission secrète, à savoir le transport d’une caisse depuis un poste situé à N jusqu’à sa livraison finale à un autre poste situé à K.

L’action se déroule en Grèce, dans un rayon géographique fictif ainsi que dans le contexte de la guerre civile, entre le 2 juillet 1949 et le 20 septembre 1949. Bien qu’aucun des membres du groupe ne connaisse le contenu de la caisse, tous se sont laissé convaincre de son importance: la réussite de cette mission étant soi-disant garante de la victoire des forces procommunistes sur les forces pro-gouvernementales.

Apparemment bien rodée au départ, au fil des instructions qu’ils reçoivent quotidiennement, l’expédition suit un parcours au long duquel, d’embûches en embuscades, le groupe s’étiole peu à peu jusqu’à ce que seul survivant, le narrateur, parvienne à destination.

Interpellé puis incarcéré, faute de savoir de quoi on l’accuse, le narrateur entreprend donc, dès le 27 septembre 1949, de rédiger sa déposition sur les feuillets numérotés qui lui sont remis quotidiennement par son geôlier. S’adressant à un juge d’instruction qui ne semble pas pressé de se manifester, pendant près de deux mois, le prisonnier noircit des feuillets, dévoilant les détails de l’expédition avec un zèle que seul le doute viendra ébranler. Face au silence obstiné de son interlocuteur, d’une hypothèse à l’autre, son état psychologique évoluant, il revient sur certains détails y apportant de nouvelles précisions qu’il s’empresse parfois de contredire et transforme ainsi son récit en un écheveau duquel il est difficile d’extraire la vérité.

Satire du militantisme ainsi que de la machine militaire, tragi-comédie portée par une narration qui reste crédible jusque dans ses feintes, en dépit d’une intrigue parfois ralentie par les retours, ce roman de la désillusion maintient notre attention jusqu’à la fin.

Outre les détails relatifs au monde militaire à travers lesquels je me suis un peu égarée, faute de connaître le contexte de l’intérieur, j’ai parfois eu le sentiment de passer à côté d’éventuels sous-entendus propres à souligner le caractère ironique de certaines situations. Mais dans l’ensemble, cela n’a pas entaché mon appréciation du roman qui, pour moi, reste un morceau d’anthologie.

 

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