Haïkaï de Matsuo Bashô et ses disciples
Traduit du japonais vers le français par Kuni Matsuo et Emile Steinilber-Oberlin (1936)
Lu en version numérisée par Ebook Libre et gratuit.
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La poésie et la technologie sont t’elles compatibles? Je me suis posé la question, sans trop chercher cependant à y répondre, lorsqu’au hasard d’une recherche, j’ai croisé ce recueil de poésie. Car bien qu’il m’arrive régulièrement de lire des poèmes sur écran d’ordinateur, jusqu’ici je n’avais encore jamais tenté l’expérience avec une liseuse, mais faisant fi de mes doutes, j’ai tout de même tenté le coup.
Avant d’aller plus loin, je dois avouer d’amblée que préférant le livre papier, je n’utilise le numérique que lorsque les circonstances m’imposent un tel choix. Or, il s’est avéré que si le compromis m’apparaît généralement négociable pour la prose, il n’en fut pas de même pour cette première expérience avec la poésie.
Certes, j’avais bien conscience des limites relatives à ce genre de support, mais je dois reconnaître que dès l’abord, j’ai été particulièrement incommodée de lire des haïkus dont la première partie se trouve au bas d’une page alors que la suite se trouve sur la page suivante; une coupure qui, en plus de créer une interruption dans la lecture, porte atteinte à la nature même de ce type de poésie.
Bref, n’étant pas sûre d’être en mesure d’en conclure, disons que cette expérience m’a permis de douter de l’existence d’une possible concordance entre la liseuse et le principe du haïku. Quoi qu’il en soit…
Outre une introduction d’envergure appréciable, quelques illustrations, ainsi que l’ajout de notes explicatives, ce recueil propose donc une compilation de poèmes1 composés pour moitié par Bashō, tandis que les créations de seize de ses disciples2 occupent la seconde moitié de l’ouvrage. L’un des maîtres de la poésie japonaise, Bashō est également connu pour avoir repris et redéfini la forme du haïkaï et joué un rôle prépondérant dans la création du haïku tel que nous le connaissons de nos jours.
Le livre ayant vraisemblablement pour but d’initier le lecteur au travail et à l’approche développée par Matsuo Bashō rencontre assez bien cet objectif, mais, tel que j’ai pu le constater après plus ample exploration, le choix des poèmes proposés étant trop partiel pour donner une bonne idée du style propre à chacun des auteurs présentés, l’ouvrage saurait difficilement prétendre aller au-delà de l’introduction.
Comme c’est souvent le cas des compilations, de poids inégal, certains poèmes sont donc plus réussis, d’autres peuvent paraître hermétiques ou culturellement plus difficile d’accès, mais dans la plupart des cas, ils évoquent de belles images, de fugaces émotions et/ou incitent à la réflexion.
En témoignent ces deux exemples:
Comme un flocon léger
ou la buée bleue du matin,
ce monde de rosée.
(Kawai Sora)
Le cormoran, la nuit,
pique une étoile
dans la mer.
(Shida Yaba)
Datant de 1936, la traduction, qui visiblement privilégie la signification au détriment de la forme ou de la fluidité, m’a semblé parfois maladroite. Tant et si bien qu’en retraçant les versions originales (non incluses dans ce recueil) ou d’autres traductions de certains des poèmes proposés ici, j’ai pu, par comparaison, constater l’écart existant, notamment au niveau de la forme, entre l’original et la version traduite proposée dans le livre. Par exemple, ce poème de Matsuo Bashō:
Traduction proposée dans le livre Autre traduction
Dérangé par le vent, à chaque souffle
le papillon sans cesse le papillon se déplace
se pose à nouveau sur le saule!
sur le saule
Texte original Version romanisée du texte original
吹くたびに fuku tabi ni
蝶の居直る chô no inaoru
柳かな yanagi kana
Dans d’autres cas, outre les jeux de mots qui sont généralement intraduisibles, la musicalité, la teneur poétique, l’esprit bouddhiste ou la signification du poème m’ont semblé quelque peu dilués par la traduction.
Prenons pour exemple cet autre poème de Matsuo Bashō:
Eveille-toi, éveille-toi!
Je ferai de toi mon ami
petit papillon qui dors. 2
que j’ai retrouvé ailleurs traduit comme suit:
réveille-toi, réveille-toi
et deviens mon compagnon
petit papillon qui dort
et dont le texte original, qui se traduit littéralement par “lève-toi lève-toi, n’est pas mon ami, papillon au lit”, nous parle avec bien plus d’éloquence.
Par conséquent, on peut dire que l’inclusion d’un commentaire explicatif au sujet de la traduction aurait avantageusement complémenté l’introduction proposée au début du recueil.
Enfin, ajoutons, au sujet de la romanisation, que les noms propres (dont les noms des auteurs présentés dans le recueil) ainsi que certains termes spécifiques ayant été transcrits suivant un système aujourd’hui considéré désuet, cela pourrait donc poser quelques difficultés chez le lecteur non averti.
Mais exceptant ces faiblesses, voici un recueil que l’on se plaira de feuilleter à loisir tandis qu’outre son caractère introductif, lu dans un esprit de découverte ou d’apprentissage, il pourra également constituer un point de départ facilement accessible pour le lecteur qui souhaiterait éventuellement explorer plus avant les différentes écoles représentant cette forme de poésie.
Notes:
1.Si l’on s’en tient au contenu du livre, le terme ‘haïkaï’ n’a pas été utilisé ici dans le sens strict qui le définit et semble plutôt faire référence au ‘haïku’ en tant que forme dérivée du haïkaï.
2.Voici les noms des auteurs/disciples (‘nom tel que proposé dans le livre’/’nom tel que retracé par moi sur le web’ (Naissance-Décès)):
Ransetsou/Hattori Ransetsu (1654-1707)
Kikakou/Takarai Kikakou (1661-1707)
Kyoraï/Mukai Kyoraï (1651-1704)
Kyorokou/Morikawa Kyoroku (1656-1715)
Shiko/Kagami Shiko (1665-1731)
Etsoujin/Ochi Etsujin (1656-?)
Jôçô/Naito Joso/Naitoo Joosoo (1662-1704)
Sora/Kawai Sora (1649-1710)
Hokoushi /Tachibana Hokushi (?-1718)
Yaha/Shida Yaba (1663-1740)
Tchigetsou-Ni /Kawai Chigetsu (1634-1718)
Inembô/? (?-1711)
Kyokusui/? (?-1717)
Otsouyou/Nakagawa Otsuyu (1675-1739)
Sampou/Sugiyama Sanpuu (1647-1732)
Bonchô/Nozawa Bonchō (1640-1714).
2.On notera ici la présence d’une erreur au niveau de la conjugaison du verbe ‘dormir’.
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