Chi Zijian

Chi Zijian

The Last Quarter of the Moon1

Traduit du chinois par Bruce Holmes

Vintage Books (2014)

A la fin du XXe siècle, alors que les membres de son clan partent s’installer à la ville, une femme Evenk refuse d’abandonner la forêt, les rennes et son mode de vie traditionnel. Se retrouvant seule, avec son petit-fils, cette ancêtre gardienne de la mémoire de son peuple, éprouve alors le besoin de se raconter. Mais outre son jeune compagnon qui n’a rien à faire de ses souvenirs, qui l’écoutera? La terre? Les arbres? La pluie? Les étoiles?

Peuple nomade, les Evenks sont des éleveurs-cueilleurs qui, depuis des temps immémoriaux, vivent et parcourent en compagnie de leurs rennes un vaste territoire réparti entre la Mongolie-Intérieure, la Sibérie et la province chinoise du Heilongjiang. Rattrapés par la ‘civilisation’, c’est par conséquence des pressions politiques, économiques et environnementales liées au ‘progrès’ et au ‘développement’ qu’ils ont plus ou moins été relégués au rang de ‘sujet d’étude’ et sont aujourd’hui considérés comme un ‘héritage culturel à préserver’.

A travers le récit de cette nonagénaire nous découvrons donc le mode d’existence, les coutumes, les croyances et les traditions de ce peuple, l’existence rythmée par le passage des saisons et les divers événements marquant les membres du clan. Traversant le XXe siècle, nous assistons par ailleurs à la lente et subtile progression vers une inévitable assimilation.

Née en 1964 dans le Heilongjiang, Chi Zijian est une écrivaine du nord. Son œuvre, constituée de romans et nouvelles, a pour objet de montrer la vie, de témoigner de l’existence telle qu’elle est. Ayant grandit, non seulement dans ce contexte de ‘progrès’ dont elle a sans doute su apprécier les conséquences, elle a par ailleurs pu observer comment l’environnement, soumis aux lois du développement, s’est peu à peu transformé. Au surplus, pour mieux donner vie et matière à ce roman, elle dit avoir séjourné en Mongolie intérieure parmi les Evenks et s’être documenté à leur sujet. A cet effet, on peut estimer que ‘The Last Quarter of the Moon’ constitue un reflet assez fidèle de ce que l’on connaît des Evenks de Chine.2

Mémoires fictifs relatés de manière informelle au long d’une journée découpée en trois parties, le récit, riche de multiples détails, enchaîne les aventures et mésaventures tels que vécu par de nombreux personnages. Le ton est généralement neutre si bien que la narration, paraît un peu sèche et manque de cet allant qu’une personnalisation plus solide lui aurait conféré. Cela est fort heureusement contrebalancé par une prose imagée, parfois poétique qui reflète bien, par le choix du vocabulaire et du mode d’expression, l’esprit animiste et écologiste dans lequel vivent et évoluent les Evenks.

Roman à saveur ethnologique, ‘The Last Quarter of the Moon’, fort bien servi par une traduction soignée, nous transporte littéralement dans un monde, un mode de vie et une philosophie où l’homme et la nature, l’homme et l’univers, ne font qu’un.

Magique.

Notes:

  1. Titre de l’édition française: ‘Le Dernier Quartier de lune’.  Notons que ce titre s’inspire des dernières pages du roman tandis que le titre original devrait se traduire par ‘La rive droite de l’Argun’.
  2. Soulignons que Chi Zijian s’est vu attribuer le prix Mao Dun 2008 pour ce roman.

©2015-2024 CarnetsLibres