Choe In-ho

Another Man’s City

Traduit du coréen vers l’anglais par Bruce et Ju-chan Fulton

Library of Korean Literature, Dalkey Archive, 2014

Ecrivain du peuple, fin observateur des réalités quotidiennes qu’il traduit avec un humour et une imagerie bien à lui, Choe In-ho (Ch’oe In-ho ou Choi In-ho) jouit dans son pays d’une popularité légendaire. Il n’a pas vingt ans lorsqu’il commence à écrire et à être publié. Après des études en littérature, il se dédie à l’écriture à plein temps, publie dans des revues et des magazines où il courtise un lectorat qui lui restera fidèle tout au long de sa carrière. Plusieurs de ses romans et nouvelles ont été adaptés pour l’écran. En dépit d’une bibliographie raisonnablement garnie, seuls quelques uns de ses écrits ont à ce jour été traduits.

Publié en 2011, “Another Man’s City” est le dernier récit composé par l’écrivain avant sa mort. Sorte d’allégorie illustrant le sentiment d’aliénation que l’on peut éprouver face aux petits et grands changements auxquels nous assistons au long de notre vie, le roman semble par ailleurs tenter apporter une réponse à l’incontournable question que suscite cette constante ‘évolution’ de l’humanité: mais on va où comme ça?

Sur un mode alliant le suspense à la science-fiction la, spéculation, le portrait de société et une pseudo réflexion philosophique, le roman raconte le temps d’un weekend les événements marquant l’existence d’un homme appelé K. Véritable stéréotype d’un certain standard dans la société coréenne, ce banquier, catholique, honnête homme marié et père d’une petite fille âgée de dix ans se voit subitement confronté à une réalité qui peu à peu semble se déformer au point de mettre en question la nature voire l’existence même du monde dans lequel K a toujours évolué.

Tout commence par la sonnerie du réveil, premier fait incongru car nous sommes samedi, jour de congé. Relevant d’une nuit arrosée dont une partie semble s’être effacé de sa mémoire, K se dirige vers la salle de bains et tente d’y recouvrer ses esprits. Se voyant nu comme un ver devant la glace, il constate que son pyjama a mystérieusement disparu. La lotion après-rasage qu’il utilise depuis des lustres a été remplacée par une autre marque. Lorsqu’il la rejoint à la cuisine, outre quelques comportements inhabituels, sa femme lui paraît froide, étrange. Pour ne pas en être de reste, émergeant de la chambre de sa fille, le chien ne le reconnaissant plus, s’attaque vigoureusement à sa cheville.

C’est ainsi que les événements enchaînent, étranges et inexplicables, au cours d’un weekend qui se transforme peu à peu en une mise en question de la réalité, une quête du soi et de l’identité; une quête qui donnera lieu à une suite d’aventures abracadabrantes au gré desquelles K est confronté à diverses situations et croise une ribambelle d’individus qui, sous des dehors différents, finissent par exhiber une étrange ressemblance les uns avec les autres.

Les scènes se suivent à un rythme relativement soutenu, nous livrant tour à tour un melting-pot de lieux communs sans profondeur sur des sujets tels que la religion, l’identité, la perception de la réalité, la sexualité et l’érotisme, le bien et le mal, l’uniformité et le conformisme de la société coréenne, etc..

Les scènes se suivent, générant chaque fois de nouvelles questions, de nouvelles énigmes qui, pour la plupart resteront sans réponse car, n’en déplaise au lecteur qui se serait laissé appâter, à l’issue de cet étrange weekend, le récit se termine sur une conclusion n’apportant aucune explication logique à cette curieuse traversée.

Reprenant sans réserves (et sans raffinement) diverses formules ou idées exploitées ailleurs en littérature et au cinéma (Ex: Le jour de la marmotte, The Truman Show, 1984, etc.), mû par une intrigue mince, habité par une ribambelle de personnages tous superficiellement tracés, c’est un récit dominé par l’image, la caricature et la fantaisie.

La prose est sèche et sans saveur. Adoptant un ton mécanique et une forme impersonnelle, la narration évoque le synopsis plutôt que l’écriture romanesque. Dépourvu de sophistication, le niveau de langue est souvent colloquial, populaire et frise parfois la vulgarité.

Ayant été effectuée par un duo aguerri, on peut estimer que la traduction soit en phase avec l’original, mais certaines formules, trop recherchées, m’ont semblé détonner avec la teneur générale du texte. De plus, la présence d’un nombre substantiel de coquilles et d’erreurs témoigne d’un laxisme inhabituel chez cet éditeur.

En tout état de cause, on peut raisonnablement penser qu’à l’origine, ce texte ait été conçu dans un but cinématographique, ce qui expliquerait bien des choses. Car pour ce qui est de sa version ‘littéraire’, si elle parvient à divertir un lectorat par avance conquis voire une certaine catégorie de lecteur, en ce qui me concerne, elle aura totalement raté sa cible.

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