Ch’oe Yun

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Three Stories by Ch’oe Yun

Traduit du coréen par Bruce et Ju-Chan Fulton

Columbia University Press (2008)

C’est avec ‘There a Petal Silently Falls’1 que Ch’oe Yun s’est fait connaître et s’est taillé une place de choix dans l’univers des lettres coréennes.  Publiée en 1988, cette histoire met en scène une jeune fille âgée de 14-15 ans qui, lors du soulèvement de Gwanju (1980) assiste au décès de sa mère, un événement traumatique à la suite duquel elle erre entre la recherche de l’endroit où repose la dépouille de son frère et celle de son propre apaisement.

Adapté pour le cinéma en 19962, ce récit figure parmi les premières oeuvres  osant évoquer Gwanju, un événement ayant considérablement marqué l’histoire coréenne.  Mais aussi habile qu’elle puisse être, cette évocation demeure cependant discrète dans le texte (tandis qu’elle est nettement présente dans le film), l’emphase étant mise sur les aspects psychologiques et post-traumatiques de l’expérience vécue par l’héroïne.

Admirablement servie par une plume puissante et provocante, l’intrigue se déroule dans une ambiance sombre et troublante où la persistance de la brutalité et de la violence, débordant du cadre dans lequel cette histoire s’inscrit, semble oblitérer toute possibilité de rétablissement.

Mais si cette vision pessimiste peut être associée au contexte dans lequel le récit a été conçu, la surenchère de noirceur à laquelle nous convie cette histoire, semble plus difficile à expliquer.

Whisper Yet (1993) est d’un tout autre genre.  A l’occasion d’une vacance à la campagne, une femme dont les réflexions oscillent entre le présent et divers moments du passé, s’adresse à sa fille en pensées, tout en revisitant un épisode de sa jeunesse auquel, avec le recul des années, elle tente d’accorder une signification.

Enrobée d’une ambiance maternelle, cette histoire aborde dans la douceur feutrée du murmure, le thème de la division nord-sud  tout en explorant sur une perspective oscillant entre passé et futur, l’idée sinon d’une réunification, celle d’un rapprochement.

Tout aussi différent, ‘The Thirteen-Scent Flower’3 raconte l’histoire de deux être solitaires, elle, ‘Green Hands’, cheminant au hasard de la vie et lui, ‘Bye’, rêvant de l’Arctique.  Leur rencontre et leur parcours commun donnera lieu à la découverte puis à l’élevage d’un type de fleur jusqu’alors inconnu, une aventure dont l’issue devrait susciter la réflexion.

Une fable, un conte, bref un récit explorant le thème du progrès et de l’exploitation des ressources, au sein duquel on observe comment face à l’éternelle cupidité des hommes, les rêves, la beauté du monde, n’ont que bien peu de moyens de subsister.

Echafaudés sur de multiples fils narratifs de même qu’alternant les points de vue, ces récits font étalage d’une belle maîtrise technique supportée par une prose versatile exhibant une large palette de tonalités.  Fidèle au texte original4, la traduction (Fulton & al.) qui m’a parue soignée, présente une écriture agréablement créative.

Si le contexte dans lequel se déroulent ces histoires reste généralement imprécis, l’action est quant à elle bien installée dans ses décors.  Les personnages sont assez bien campés mais marquent certaines zones d’ombre.  Les intrigues, réduites à leur plus simple expression, m’ont semblé faibles mais restent attachantes.  Quant au fond thématique, à l’exception du premier récit plus complexe et propice à interprétation, il demeure par ailleurs simple mais bien ancré dans la réalité coréenne des années 1980-90.

Judicieusement sélectionnés, présentés dans un format agréable, ce trio de récits constitue une excellente manière de découvrir et d’apprécier la plume d’une auteure bien positionnée dans l’univers des lettres modernes coréennes.

NOTES

  1. Publié en français sous le titre ‘Là-bas sans bruit un pétale tombe’.
  2. Titre original: 꽃잎 (A petal), un film réalisé par Jang Sun-woo.
  3. Publié en français sous le titre ‘Les treize parfums d’une fleur’ (in: Poétique de la soif).
  4. La traduction française de ces récits ayant fait l’objet d’un remaniement par l’auteur elle-même, ils peuvent donc présenter en français quelques différences par rapport au texte original sur lequel est basée la traduction anglaise proposée ici.

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