Dezsö Kosztolányi

Le traducteur cleptomane et autres histoires

Traduit du hongrois vers le français par Adám Péter et Maurice Regnaut

Ed. Viviane Hamy, 1994

Figurant parmi les auteurs hongrois que je souhaitais découvrir, au moment de faire ma sélection parmi les quelques ouvrages disponibles en traduction, j’ai été irrésistiblement attirée par ce titre. L’ironie qu’il sous-entend ne manquant pas de faire sourire la lectrice de littérature en traduction que je suis, mon choix fut vite fixé. J’ignorais alors que l’auteur avait lui-même exercé la profession de traducteur et c’est après avoir pris connaissance de sa biographie que j’ai cru y voir également une pointe d’autodérision.

Né en 1885 dans une ville du sud de l’empire Austro-hongrois, c’est depuis Budapest où il s’est établi au début du XXe siècle que Kosztolányi a été témoin de la chute dudit empire, de la première guerre mondiale puis d’une autre guerre à l’issue de laquelle sa ville natale fut intégrée au Royaume de Serbie. A l’université il étudie la philosophie et la littérature mais c’est finalement par le journalisme qu’il aborde le monde des lettres, puis c’est par la poésie qu’il se fait éventuellement publier. On peut d’ailleurs retrouver la trace de ces éléments biographiques au long des onze nouvelles réunies dans ce recueil et plus particulièrement à travers les traits du personnage principal qui les habite.

Homme de lettres rompu aux usages d’un milieu qu’il connaît bien, philosophe à ses heures, un peu poète aussi, noctambule souffrant régulièrement d’insomnie, Kornél Esti1 tient salon dans un bar où quelques amis, écrivains pour la plupart, viennent volontiers l’écouter raconter ses histoires. A la fois observateur perspicace et habile conteur, qu’il soit question d’un homme sombrant inéluctablement dans la misère, d’un séjour dans une ville où le mensonge n’est pas toléré, d’une nuit à discuter avec un homme dont il ne parle pas la langue, des réactions suscitées par la disparition d’un homme, de son chapeau, de sa propre mort ou des aléas de la vie d’écrivain, ça n’est pas sans un brin de philosophie, une touche d’humour, un trait d’ironie, une pincée d’absurde et poussant parfois jusqu’au surréalisme, qu’il agrémente ses récits.

Si d’une nouvelle à l’autre la forme et la mise en situation tendent vers la répétition, peu complexes, les histoires sont cependant bien ficelées et l’ensemble, tant au niveau de la conception que de la prose, est de bonne facture. L’humour compensant pour la superficialité de certaines réflexions, le ton reste plutôt léger, mais grâce à leur caractère universel, la justesse des observations dont recèlent ces histoires devraient toucher bon nombre de lecteurs.

Notes :

1.La présente édition ne fournissant pas de précisions au sujet des titres ou de la publication originale de ces récits, on peut présumer que de manière générale ils aient pu être tirés de l’un ou l’autre des volumes dédiés aux aventures de Kornél Esti, personnage fétiche souvent perçu comme une sorte d’alter ego de l’auteur.

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