Duong Thu Huong

Terre des oublis

Traduit du vietnamien vers le français par Phan Huy Duong

Editions Sabine Wespieser, 2006

C’est à une époque antérieure à la création de ce blog et plus ou moins dans la foulée d’un séjour au Vietnam que j’ai découvert et lu pour la première fois quelques-uns des romans de Duong Thu Huong.  Je me souviens avoir été particulièrement impressionnée par la manière dont elle parvient à  nous plonger dans un maelstrom de sensations où parfums, images, couleurs et autres nous font  découvrir son pays par la voie des sens.

Souhaitant rafraîchir ma perception en revisitant le travail de cette auteure, j’ai cette fois choisi de lire Terre des oublis, un roman composé peu avant qu’elle ne quitte son pays d’origine pour aller s’installer en France.

L’histoire débute aux alentours des années 1975, soit à l’issue d’une longue et tumultueuse période de l’histoire du Vietnam qui s’est éventuellement soldée par l’instauration d’un état autoritaire d’allégeance communiste qui régnera sur un pays désormais réunifié. Parti au front quatorze années plus tôt, Bôn revient de guerre avec une seule idée en tête ; retrouver Miên, -cette beauté qu’à 17 ans et tout juste quelques semaines avant de prendre les armes il a prise pour épouse-, pour enfin reprendre le cours de sa vie là où il l’a laissée. Ayant été déclaré mort au cours de cette guerre, c’est sous le regard à la fois étonné et inquisiteur des villageois que Bôn fait face à Miên, une femme visiblement choyée, désormais remariée à un homme prénommé Hoan, et mère d’un petit garçon.

A partir de ce scénario qui sans être forcément chose courante schématise l’expérience du ‘retour du combattant’, l’auteure dresse le portrait de trois êtres dont les vies seront bouleversées par une situation que vient compliquer un contexte social trempé de valeurs traditionnelles solidement maintenues par les tentacules du pouvoir en place.

Un scénario qui dès le départ annonce clairement ses couleurs et dont les intentions sont si évidentes que je me suis vite demandé quel intérêt il y aurait à connaître la suite d’autant plus qu’à cette histoire, je n’y ai pas cru.

Qu’un homme considéré mort puisse venir se réclamer d’une femme jusque dans son nouveau foyer sans que personne ne s’interroge ou ne réagisse, m’a paru si peu vraisemblable que dès le départ, je me suis distanciée du récit.

Quoi qu’il en soit, la suite m’aura initiée aux déboires existentiels et sentimentaux d’un trio de personnages qui, soumis au destin, soumis à leur devoir, soumis aux règles, soumis aux aînés, soumis à la pluie et au beau temps, souffrent d’un degré de passivité tel que je ne suis pas parvenue à sympathiser avec eux.

Trop caricaturaux et exhibant une psychologie trop peu nuancée, voire une intelligence fluctuante, ces personnages à travers lesquels je n’ai vu rien de plus que des marionnettes répondant aux besoins de la cause, ne m’ont pas convaincue.

En revanche, les personnages secondaires ont mieux réussi à gagner mon intérêt. Plus authentiques, plus réels, plus humains, par moments j’aurais souhaité connaître leur histoire, mais ça n’était pas d’eux dont il était question…

Et puis en définitive, avais-je réellement besoin de près de 800 pages d’une cuisine fleurant les bons sentiments pour être sensibilisée aux dégâts causés non pas tant par la dernière guerre en date (thème exploré en filigrane dans le roman), mais surtout par un système de valeurs qui s’immisce dans les moindres recoins des existences, annihile les libertés individuelles et travestit les voies permettant d’accéder à ce petit, tout petit bonheur auquel nous aspirons tous?

Trop long donc, frôlant la mièvrerie,  je me suis copieusement ennuyée en lisant ce roman. A un point tel que j’en ai oublié d’apprécier l’écriture, cette écriture qui à l’origine m’avait tant plu chez Duong Thu Huong, ce qui somme toutes est fort regrettable.

 

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