Ersi Sotiropoulos

 

Dompter la bête

Titre original : Δαμάζοντας το κτήνος (Athènes, 2003)

Traduit du grec moderne vers le français par Michel Volkovitch

Quidam Editeur (2011)

Ersi Sotiropoulos figure sans doute parmi les auteurs grecs contemporains les plus connus à l’échelle internationale. D’abord primés dans son pays, éventuellement traduits en quelques langues étrangères, ses romans et recueils de nouvelles ont également été salués outre-frontières.

Tirant son titre d’une analogie traversant le roman, Dompter la bête nous plonge, par le biais de son personnage principal, dans l’univers particulier d’une certaine élite grecque ; celle qui après avoir fréquenté les bonnes écoles et connu les contestations de 1973, forte de ses relations, a su se tailler une place parmi ou auprès de ceux et celles qui ont pris les rênes du pays après la chute du régime des colonels.

Né à Patras dans le courant des années 1950 (à l’égale de l’auteure), Aris Pavlòpoulos partage désormais sa vie entre les beaux quartiers d’Athènes,-où il mène une existence confortable qu’il partage avec Carla, modèle de perfection, et leur fils Paolo, ado-jeune-adulte surnommé Le Cannibale-, et son bureau du ministère, où, l’ombre d’un ministre, il poursuit sans trop d’enthousiasme sa carrière politique. A l’aube de la cinquantaine, tandis qu’il nourrit un vieux rêve de devenir un grand poète et que par ailleurs sa carrière montre des signes de déclin, fort d’un solide égo, pourvu d’une libido à laquelle Penny, sa jeune maîtresse et objet de ses fantasmes donne fidèlement la réplique, Aris se laisse peu à peu entraîner dans un enchaînement de situations qui vont le mener vers un point de non-retour. Parallèlement, tandis que nous découvrons peu à peu l’univers d’Aris, l’existence menée par ses proches nous est également peu à peu dévoilée.

Adoptant une perspective solidement masculine, le roman dresse donc un portrait taillé parmi les diverses strates composant la société grecque pour finalement mettre en relief une tranche particulière, un pan précis de ce petit monde tel qu’il se présentait dans l’Athènes du début des années 2000.

Composé de trois parties distribuées en courts chapitres, rythmé tant par la forme dynamisante que par une écriture ciselée, le récit évolue par ailleurs au gré d’une trame riche en rebondissements.

Bien que succinctes, les mises en situation et autres descriptions sont à la fois réalistes et efficaces. Tracés à grands traits, les personnages présentent un profil psychologique simple, peu nuancé, et facilement reconnaissable ; habilement mis en scènes ils s’avèrent généralement crédibles.

Frôlant tantôt la caricature, tantôt le rocambolesque, traversé par un sorte d’ironie sous-jacente, ce roman qui n’est pas sans évoquer le feuilleton, reste cependant bien planté dans le cadre de la tragicomédie moderne.

Exhibant un bon sens de l’observation, le propos par-delà sa légèreté, n’en dévoile pas moins un tableau qui semble représentatif de la réalité qu’il retrace.

Divertissant de même que servi par une prose animée par une irrépressible pulsion de vie, ce chapitre dans l’existence d’un homme aux prises avec ses démons se lit quasiment d’un trait.

 

© 2015-2024 – CarnetsLibres