The Railway1
Publication originale 1997
Traduit du russe vers l’anglais par Robert Chandler
Harvill Secker, 2006
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Ecrivain et journaliste d’origine ouzbèke, Hamid Ismailov a déjà quelques ouvrages à son actif lorsqu’au début des années 1990, il est forcé de s’exiler. Trouvant éventuellement refuge au Royaume-Uni, il y croise Robert Chandler (poète et traducteur) qui bientôt traduira ‘The Railway’, le premier de ses écrits à paraître en anglais.
En grande partie composé avant l’exil, ce livre, ni recueil de nouvelles, ni roman, s’inspire de faits réels, d’anecdotes et autres histoires vécues ou entendues par l’auteur qui s’est servi de ce matériel ainsi que de son expérience personnelle pour imaginer et ensuite raconter par la voix d’un narrateur neutre, divers épisodes, chapitres de vie et autres scènes typiques et/ou représentatives de ce à quoi aura pu ressembler la vie dans une petite ville d’Asie centrale située, à l’époque où se déroulent ces récits (1900-1980), en République soviétique autonome du Turkestan2.
S’appuyant sur une multitude de protagonistes dont les caractéristiques témoignent bien des aléas de l’histoire ainsi que des nombreuses vagues migratoires dont a fait l’objet cette région de la planète, les récits proposés dans ce recueil, centrés autour d’une petite ville appelée Guilas, s’intéressent donc principalement à ceux qui, parmi cette population variée, ont choisi le sédentarisme.
Outre cette ville où le vivre ensemble est particulièrement prégnant, également évoqué au long de ces récits, le cadre historico-politique, généralement placé en toile de fond, sert quant à lui à mettre en relief la manière dont tout un chacun tente de s’accommoder des circonstances dans lesquelles il évolue.
Teintés d’humour, de rocambolesque ou de fantastique, ces récits racontent la panoplie de petits arrangements auxquels l’humain sait si bien s’adonner; concertations silencieuses, amitiés et inimitiés, petites magouilles, conciliabules, amours blessés, mensonges, fidélités et infidélités, mariages improbables, escroqueries, petites et grandes violences, corruption, abus de pouvoir, bref autant de moyens auxquels hommes et femmes ont recours pour tenter de tirer leur épingle du grand jeu animant la société où ils évoluent.
En marge et parmi ce petit monde, un jeune garçon solitaire, orphelin de mère, abandonné par son père et élevé par sa grand-mère, tente à mesure qu’il grandit, de s’approprier cette réalité.
Cela dit, il est difficile, au-delà de ces quelques considérations, de résumer cet ouvrage d’autant plus qu’à l’exception de la Transcaspienne, ligne de chemin de fer traversant la ville et le pays, du contexte général dans lequel les différentes scènes se déroulent et de certains personnages récurrents, il n’existe que peu d’éléments liant ces récits les uns aux autres. Mais pris ensemble, ces morceaux apparemment disloqués forment une sorte de mosaïque à partir de laquelle on peut percevoir un relief, une impression, bref une image reflétant cette société que Hamid Ismailov tente de décrire.
Outre cette forme éclatée, le lecteur est également confronté à une structure narrative qui, -suivant un modèle s’apparentant plus à la spontanéité de la parole/pensée qu’au fruit d’un travail de conception littéraire-, imprime à la plupart de ces récits une forme sinueuse, parsemée de digressions et évoluant dans une direction semblant souvent incertaine; une structure qui non seulement surprend, mais peut aisément désorienter le lecteur. Ajoutons à cela, moult allusions (dont certaines font l’objet de notes), de même que l’entrée en scène d’un nombre substantiel de personnages, le tout s’accompagnant de brusques changements de propos ou de perspective et il n’en faut guère plus pour semer la confusion.
Riche en nombre, -une liste non exhaustive de près de deux cent noms et quolibets en témoigne-, ces personnages, s’ils offrent une vision diversifiée et panoramique de ce coin de pays, n’en sont pas moins condamnés à n’exister qu’au moyen de quelques traits. Entre la quantité et la qualité de ces protagonistes, le lecteur peut difficilement établir une quelconque relation avec aucun d’entre eux.
De la même façon, exception faite de la ligne de chemin de fer qui fait l’objet d’habiles descriptions, la ville et les lieux où se déroulent les diverses scènes souffrent d’une telle économie de mots qu’ils ne révèlent, chez le lecteur non initié, que des images imprécises.
Bref, déroutée de même que maintenue à distance par les divers éléments soulignés plus haut, j’ai eu de plus en plus de mal à m’investir dans cette lecture. Posant le livre à de nombreuses reprises pour essayer avec le recul d’en saisir, si ce n’est l’esprit qui l’anime, à tout le moins une part de ce qu’il tente d’illustrer, mais sa richesse me passant invariablement sous le nez sans qu’elle ne parvienne à épouser une forme claire dans mon esprit, j’ai fini par y renoncer.
Notes
1.Titre de l’édition française: Contes du chemin de fer
2. De nos jours, cette ville serait située en Ouzbékistan.
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