The Girl on the Sofa
Publication originale 2002
Traduction littérale du norvégien (nynorsk) vers l’anglais par Neil Howard et Tonje Gotschalksen
Révision/adaptation anglaise par David Harrower
Oberon Books 2002
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Suite à la lecture de quelques récits fictifs, j’avais envie de découvrir l’univers théâtral de Jon Fosse et pour une première approche, j’ai choisi “The Girl on the Sofa”, une courte pièce en un acte qui fut présentée pour la première fois en anglais au Festival International d’Edimbourg en 2002.
Huis clos, “The Girl on the Sofa” nous plonge dans l’univers d’un personnage, une femme âgée d’une cinquantaine d’années que l’on découvre en train de peindre un tableau, un autoportrait la représentant alors qu’elle était toute jeune fille et passait le plus clair de son temps libre assise sur un canapé. Seule sur son ‘île’, enfermée dans une solitude qui, dit t’elle, la laisse sans visage, c’est non seulement un être déconnecté et détaché du monde, mais également une artiste qui, au-delà de la simple représentation, ne parvient pas à personnaliser et à donner vie à ses œuvres. Suivant le fil de la pensée de cette femme, la pièce nous introduit, dans un va et viens entre présent, passé récent et passé lointain, aux divers moments ayant marqué son existence. Quête de soi évoluant d’une scène à l’autre et d’un point de rupture à l’autre, ses réflexions la ramènent invariablement (semble t’il) vers la solitude, la peinture et le souvenir de cette adolescente désemparée qui, assise sur le canapé, attendait l’éventuel retour de son père.
Ayant pour cadre un contexte (non identifié) où la mer ne manque pas de jouer un rôle déterminant dans l’existence des protagonistes, cette pièce explore le thème de l’absence; l’absence d’une mère (trop) investie dans sa propre histoire, et surtout l’absence du père dont on observe ici l’impact sur chacun des membres d’une famille, ainsi que sur l’équilibre, la cohésion et les rapports existant au sein de cette cellule familiale.
A l’égale des deux romans précédemment évoqués sur ce site, de prime abord l’histoire que raconte cette pièce s’avère d’une simplicité désopilante. Mais dès que l’on cherche à en saisir le fil conducteur et à en comprendre le sens, dès que l’on se prend à examiner l’intrigue et à interroger les personnages, on se retrouve bien vite plongé dans un univers psychologique dont on découvre peu à peu la complexité.
Bref, comme cela semble être souvent le cas dans l’univers fictif de Jon Fosse, c’est véritablement sous la surface des eaux que se trouve l’essentiel. Puis, émulant la réalité, c’est en ne nous donnant que ce qui est observable, visible, voire convenu, que Fosse démontre que comprendre qui nous sommes ou qui est l’autre n’est jamais chose donnée.
A l’image de l’intrigue, la mise en scène est toute simple mais grâce à une double représentation de certains des personnages (vus en version ‘jeunes’ puis en version ‘plus âgés’) et à l’alternance des scènes, l’auteur développe et actualise un fil narratif qui évolue suivant la pensée du personnage principal.
Fidèle à cette économie de mots dont il fait sa marque, les dialogues de Jon Fosse sont décharnés, brefs, ponctués d’interruptions et marqués par des silences qui, laissant place aux non-dits, aux sentiments que l’on n’exprime pas, que l’on ne souhaite pas exprimer ou que l’on ne sait pas exprimer, ont autant de poids que les mots. Il en résulte un texte haché à travers lequel on découvre une écriture tendrement rythmée et légèrement empreinte de poésie. Ainsi, alors que le roman voit la prose de Jon Fosse déployer ses ailes, l’écriture théâtrale semble être le nid au sein duquel son style s’est affirmé. Mais quel que soit le genre adopté par l’auteur, le charme opère et je suis de nouveau séduite par la qualité et la singularité de son œuvre.
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