Le peintre d’aquarelles
Leméac-Actes sud, 2017
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Né à Montréal en 1942, au fil des années, Michel Tremblay a non seulement produit une œuvre considérable, mais grâce entre autres à l’aisance avec laquelle il sait transcrire la langue et portraiturer la société québécoise, il s’est également taillé une place unique parmi les auteurs les plus marquants et les plus remarqués de sa génération. Romancier, dramaturge, scénariste, etc., souvent qualifié d’écrivain national, c’est un incontournable auquel je me suis autrefois initiée par le biais du théâtre, et que cette fois j’ai eu envie de découvrir en tant que romancier, ignorant en choisissant ce court roman, que j’allais également y faire connaissance avec un Tremblay en version aquarelliste.
Narré à la première personne du singulier et épousant plus ou moins la forme d’un journal intime, Le peintre d’aquarelles nous plonge dans l’univers de Marcel, un homme âgé des 76 ans, qui, entre présent et passé retrace au gré de ses humeurs les points marquants d’une existence ponctuée par des crises d’épilepsie et circonscrite par des troubles cognitifs.
Petit à petit on découvre donc l’histoire de cet homme né à Montréal sur la fin des années 1930 qui, à l’âge de 23 ans et suite à un épisode fatidique, a été placé dans une de ces déplorables institutions autrefois tenues par des religieux, où le narrateur dit avoir ‘été victime d’un système d’une cruauté sans nom’. Soigné mais vraisemblablement maltraité pendant une vingtaine d’années, soit jusqu’à la fermeture définitive de cette institution, Marcel n’a par la suite plus jamais bougé de Nominingue. Cinquante-trois ans plus tard, c’est depuis ce petit village des Laurentides où, entre ses aquarelles et quelques autres divertissements, qu’il nous livre ses réflexions, ses souvenirs, etc.
Composé de quatre parties dont les titres, -Prélude, La fugue, Variations, Postlude-, évoquent en quelque sorte la cadence des événements évoqués, ce roman délicatement psychologique, évolue par petites touches sur un fil qui paraît parfois anodin.
Si le récit ne se démarque pas par sa profondeur, en revanche dès les premières lignes, la voix narrative s’impose par sa vraisemblance. A la fois doux et intime, le ton sonne juste. Candide, la parole est si bien ancrée dans une subjectivité crédible que l’on en est d’autant plus affecté par la réalité qu’elle dévoile.
C’est avec doigté et délicatesse que l’auteur nous fait ainsi entrer dans l’univers de cet être prisonnier d’un mal qui lui impose ses propres règles.
Teintée à la manière d’une aquarelle, la langue qu’emprunte Michel Tremblay embaume les parfums d’un pays et d’une culture au sein desquels elle s’est modelée. Discrètement taillée, elle sert fort bien cette voix à laquelle on reste attaché.
L’édition est de belle facture, et les quelques aquarelles peintes par Michel Tremblay qui y sont reproduites complètent bien l’ensemble.
Bref, voilà un roman qui se laisse croquer sans effort et qui ne manquera pas de toucher un grand nombre de lecteurs.
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