Life and Death Are Wearing Me Out1
Traduit du chinois par Howard Goldblatt
Skyhorse (2012)
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Comme c’est bien souvent le cas, il est difficile en abordant la littérature d’un pays donné, d’ignorer les lauréats de prix littéraires, les nobélisés et autres pointures jouissant d’une grande visibilité. Fort d’une œuvre substantielle qui nous est transmise par le travail de traducteurs aguerris, Mo Yan fait partie des incontournables et, faut-t-il le souligner, des valeurs sûres de la littérature chinoise. Ainsi, après ‘Beaux seins belles fesses’, lu il y a de cela quelques années, c’est avec enthousiasme que je me suis plongé dans ‘Life and Death’.
Avec ce roman initialement publié en 2006, Mo Yan nous convie à un nouveau chapitre dans l’histoire de Gaomi, un village fictif où se déroulent la plupart des récits composant son œuvre. Faisant écho à l’évolution que connaît le pays entre 1950 et 2000, ce village sera témoin d’importants changements qui, sans être directement décrits, seront observés à travers divers aspects marquant l’existence de ses habitants.
C’est donc par la voix et sous le regard d’un narrateur faisant l’objet de multiples réincarnations, formant autant de voix et de points de vues, tous placé en position d’observateurs, -un procédé permettant à l’auteur de naviguer paisiblement et avec brio parmi les écueils de la polémique-, que Mo Yan nous offre ce qui pourrait se résumer à une chronique de la vie dans un village de province chinois. Singulière chronique, épousant un ton humoristique au long de laquelle l’auteur nous introduit à un univers haut en couleur, un univers tantôt décrit avec force détails, tantôt de façon quasi caricaturale mais invariablement rendu avec une acuité telle que l’on peine à tenir ce lieu et ses habitants pour fictifs.
Mais qu’on se détrompe, sous des dehors légers, se dessine une réalité bien tangible, si bien que non seulement je me suis bien amusé en lisant ce roman, mais j’ai également été épaté par la finesse et la perspicacité de son auteur.
Humaniste affectionnant ses personnages, Mo Yan, grâce à un sens d’observation aussi vif que l’esprit qui l’anime, nous montre l’homme et la femme sous leur jour le plus universellement humain. Proposant ainsi une réflexion sur la nature et la condition humaine, c’est dans cette perspective que ce récit s’adresse à un large public.
Avec une intrigue et un scénario qui ne visent pas la complexité, doté d’un mince fond thématique, habilement parsemé de multiples allusions, outre un procédé narratif incontestablement contemporain,’ Life and Death’, avec la suite de tableaux qui le composent, épouse une forme s’assimilant assez nettement au roman chinois classique. Puis, illustrant, par le biais de l’existence et l’évolution des personnages, une époque et un lieu dans l’histoire de l’humanité, ce roman s’inscrit également dans la tradition de l’observation sociale. Ainsi au lecteur habitué à une intrigue solidement constituée, le récit pourra sembler long, tandis qu’à celui qui anticiperait un discours à saveur politique, il paraîtra faible. Par conséquent, c’est véritablement grâce à ce don d’observation, remarquablement servi par une imagination débordante ainsi que par une exceptionnelle qualité de conteur, que ce roman séduit et retient l’attention.
Traduit de manière à mettre l’emphase sur l’esthétique du produit final au détriment de la fidélité au texte d’origine, il est difficile voire impossible de faire la part entre ce qui de la prose appartient à l’auteur et ce qui tient de la plume du traducteur (Howard Goldblatt). Ainsi, il serait hasardeux de tenter formuler une appréciation de l’écriture ou de commenter le style de l’auteur.
Bref, voici un récit d’observation sociale, conçu avec ingéniosité et conté d’une manière originale et divertissante; une recette qui ne devrait pas manquer de plaire et un roman qui marque un point de plus au compteur de Mo Yan.
Notes:
1. Titre de l’édition française: La dure loi du karma.
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