La liberté et la mort
Titre original: Ο καπετάν Μιχάλης
Traduit du grec vers le français par Gisèle Prassinos et Pierre Fridas
Première parution Plon (1956)/Editions Babel (2016)
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C’est par ce récit, qui s’inscrit dans le contexte où il a vu le jour, que j’ai choisi d’aborder l’œuvre d’un des auteurs parmi les plus adulés de la littérature grecque contemporaine. Chéri dans son pays et admiré à l’étranger, le nom de ce crétois d’origine figura d’ailleurs plus d’une fois parmi les candidats au prestigieux prix Nobel de Littérature.
Publié en 1953, ce roman qui à l’origine devait être consacré à son père, se transforma, au fil des révisions, en un récit tissé autour des souvenirs que Nikos Kazantzakis a conservés de son pays tel qu’il fut à l’époque où il était enfant.
L’action se déroule en Crète au tournant du XXe siècle, alors que l’empire Ottoman, sur son déclin, règne toujours sur l’île, et que d’une révolution à l’autre, les crétois tentent courageusement de gagner leur liberté.
Bien que se frottant quotidiennement les uns aux autres, la tension marquant les relations entre Turcs et Grecs est palpable, et dès le début du roman on sent l’inévitabilité d’une énième révolte.
Mais tandis qu’en filigrane la tension monte, les pages défilent, les scènes s’ajoutent aux scènes, les personnages s’ajoutent aux personnages, et petit à petit un contexte se dessine qui s’apprête à devenir l’hôte de nouveaux affrontements.
Tissé autour d’une intrigue qui laisse peu de place pour la surprise, le récit évolue lentement. La prose est sobre mais ornée de quelques jolies figures de style. Les personnages sont nombreux et s’ils tendent parfois vers la caricature, ils forment cependant un ensemble animé qui, à travers les scènes de la vie quotidienne et autres anecdotes, donne corps et vie à la société crétoise de l’époque.
Plus grand que nature, le capétan Michel, héros quasi mythique de ce roman, domine et fait ombre sur ceux et celles qui l’entourent. Ainsi en est-t-il de Nuri Bey, figure dominante de la communauté turque et frère ennemi du héros, qui en dépit de sa prestance, paraît ‘petit’ aux côtés du capétan.
Mais si l’image de ce géant de Michel domine, il n’en demeure pas moins qu’à l’égale de ce qu’il en est des autres personnages prenant part au récit, elle sert de levier pour mettre en avant la Crète, véritable élément central du roman.
Une Crète rustique de même qu’une terre pour laquelle on voue un attachement viscéral.
Tant et si bien qu’aussitôt la première étincelle allumée, de part et d’autre les esprits s’enflamment et on n’hésite pas à se lancer dans la bataille.
Pour la liberté, les grecs seront plusieurs à se battre jusqu’à la mort. C’est avec le regard tourné vers l’avenir que d’autres préféreront abdiquer, choisissant d’assurer la survie d’une race qui devra prendre le relais et se jeter dans la prochaine bataille.
Car une fois la dernière page tournée, les jeux ne sont pas faits, et tandis que les acteurs se retirent de la scène, la Crète elle, n’a pas encore dit son dernier mot…
Tableau vivant d’où émane l’unique parfum de la Crête, au-delà de son caractère historique c’est une véritable fresque que nous livre Nikos Kazantzakis; un hommage qui témoigne de l’attachement de l’auteur et de ses compatriotes pour leur terre d’origine.
NOTE
1 .Titre original, ‘Le capétan Michalis’ aura dans sa seconde édition grecque été augmenté du sous-titre, ‘La liberté ou la mort’. Ce dernier fut adopté en tant que titre principal de la première édition française du roman. Puis après le décès de l’auteur, c’est à la demande de ses ayants droits et suivant un souhait exprimé par l’auteur que le titre français fut éventuellement modifié pour devenir ‘La liberté et la mort’.
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