Sotiris Dimitriou

 

Heureux soit ton nom

Titre original : N’αkoύω kαλά t’ όvoμά σoυ (publié par Kedros, 1993)

Traduit du grec moderne vers le français par Marie-Cécile Fauvin

Quidam éditeur (2020)

C’est en effectuant des recherches en littérature grecque que de fil en aiguille je me suis retrouvée devant le catalogue de Quidam, un éditeur réputé pour la qualité de ses publications. C’est ainsi que j’ai découvert ce court roman dont l’histoire se déroule dans un contexte frontalier (Grèce-Albanie) lequel n’a certes pas manqué de susciter mon intérêt. En revanche, je ne connaissais pas son auteur.

Né en 1955 dans cette même région où se déroule une partie du roman, Sotiris Dimitriou aurait à ce jour une douzaine d’ouvrages à son actif dont certains ont fait l’objet d’adaptation pour le cinéma. Bien que primé dans son pays, sa production reste donc confidentielle et c’est ainsi qu’on le découvre ici pour la première fois en traduction française.

Brièvement résumé, à travers l’histoire de quelques membres d’une même famille, Heureux soit ton nom dresse un portrait (plutôt social) de l’histoire contemporaine d’une région et de ceux qui l’habitent.

Le roman se décline en trois parties, chacune correspondant au récit des expériences vécues par chacun des personnages narrateurs. Il s’ouvre à l’époque de la seconde guerre avec la voix d’Alexo, pour ensuite traverser plus ou moins quatre décennies avec la voix de Sofia, et il s’achève au début des années ’90 sur le récit de Shpejtim.

Roman polyphonique donc, narré dans une langue reproduisant une oralité que l’on pourrait qualifier de typée en raison de son caractère à la fois régional et rural (chapeau au travail de Marie-Cécile Fauvin qui aura su choisir des termes et des formules propres à injecter à ce texte autant d’authenticité qu’il est possible de le faire dans un tel cas).

Entre le récit d’Alexo qui évoque comment Povla, son village natal, tente de survivre aux aléas de la guerre, celui de Sofia témoignant des misères endurées par les siens sous le régime stalinien d’Enver Hoxha, et l’histoire de Shpejtim retraçant le parcours d’émigrants sans papiers en quête d’une illusoire mère patrie, on découvre une humanité luttant essentiellement pour sa survie mais aussi pour sa dignité, son identité, son droit d’exister.

Sans pour autant verser dans le pathos, la guerre, la misère, l’exil, le déracinement, la perte de repères, le racisme ethnique et bien d’autres thèmes sont réalistement et sobrement mis en reliefs au long de ce court récit.

Heureux mélange de fiction et de témoignage, c’est un roman qui, en débit de sa brièveté, exhibe un bel équilibre entre richesse du contenu et fluidité du texte; un roman captivant.

 

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