William Faulkner

 

 

Absalom, Absalom!

Vintage, 2005

Ayant apprécié, il y a de cela plusieurs années, quelques autres titres de cet immense auteur étatsunien, c’est avec la ferme intention d’y revenir que lors d’une visite en librairie, j’ai fait l’acquisition de ce livre. Comme c’est souvent le cas, il aura cependant fallu attendre quelque temps avant que mes déambulations littéraires et autres dispositions personnelles me mènent jusqu’à lui.

Feuilleté à quelques reprises avant de m’y plonger, d’emblée je dois reconnaître que dès les premières pages, j’avais compris que cette lecture allait être exigeante et qu’il me faudrait bien m’accrocher pour l’apprécier.

Le roman raconte l’histoire de Thomas Sutpen, né en 1807 dans la partie occidentale de la Virginie, qui, après avoir quitté sa famille à l’âge de quatorze ans pour partir en quête d’un avenir meilleur, et à l’issue de diverses péripéties, s’est finalement établi dans le comté (fictif) de Jefferson, Mississippi. Là, il entend bien réaliser son rêve: acquérir une terre, devenir riche et respecté, assurer sa postérité en fondant une famille, etc. Mais ayant laissé quelques traces au long du parcours qui l’aura amené jusque là, éventuellement rattrapé par son passé, d’un drame à l’autre déconstruisant peu à peu ce qu’il aura tenté de construire, Sutpen finira par laisser une empreinte indélébile sur ceux qui l’auront connu.

Tel qu’elle se présente, cette intrigue sur laquelle repose le roman n’a en soi rien de particulièrement compliqué. Mais considérant que l’histoire de ce personnage fictif nous est livrée par bribes, via le point de vue et la perception qu’en ont constitués quelques autres personnages du roman, puis que de surcroît, plusieurs années plus tard, sur la base de ces témoignages, l’histoire de Sutpen est à nouveau reconstituée par deux autres personnages fictifs, on se retrouve donc confronté à une variété d’interprétations parmi lesquelles, il est difficile de départager le ‘vrai’ du ‘faux’.

Passant d’un narrateur à l’autre et d’un point de vue à l’autre sans guère marquer de transition, de même que valsant entre passé et présent, puis rédigé dans une prose qui s’étire en longues, très longues phrases au gré desquelles nous découvrons dans une sorte de vision magnifiée, non seulement les détails de l’histoire de Sutpen et ses proches, mais également, de manière indirecte, la personnalité et les biais propres à chacun des narrateurs, c’est donc un roman qui ne se laisse pas lire sans effort.

S’inspirant librement de l’histoire d’un personnage biblique, Faulkner emprunte le voie de la tragédie pour nous servir un portrait de société, d’une société devrais-je dire, celle du Sud des Etats-Unis, un Sud imprégné d’esclavagisme, de haine et de préjugés racistes, de rigidité sociale et morale, bref un Sud tel qu’il pouvait se présenter au XIXe siècle et surtout tel qu’il fut perçu par celui qui nous le décrit.

Sorti d’une plume dont l’assurance sert admirablement bien l’extraordinaire ingéniosité de son auteur, c’est un roman qui se mérite.

 

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