Personne ne dort à Alexandrie
Titre original : لا أحد ينام في الإسكندرية
Dâr al-Hilâl, 1996
Traduit de l’arabe vers le français par Soheir Fahmi et Pierre Chavot
Desclée de Brouwer, 2001.
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C’est au détour de la lecture d’un roman dont l’histoire se déroule dans un contexte similaire1, à savoir l’Egypte au cours de la seconde guerre, que je suis venue à ce roman d’Ibrahim Abdel-Méguid.
Né à Alexandrie en 1946, après ses études en philosophie, I. Abdel-Méguid entre au ministère de la culture et y occupe successivement divers poste. A partir de 1979 il publie romans et nouvelles dont un certain nombre ont été traduits en français, en anglais et en allemand. Personne ne dort à Alexandrie est son sixième roman.
Le récit s’ouvre en 1939, au moment où, fort de quelques avancées, Hitler s’apprête à envahir la Pologne. Suscitant moult réactions cette déclaration de guerre aura des répercussions qui, comme on le sait, vont déborder au-delà des frontières de l’Europe. Ainsi, bien qu’affranchie du protectorat britannique, l’Egypte, de par sa situation géopolitique ainsi que sa position stratégique sent la menace peser sur elle et adopte des mesures visant à protéger son peuple.
C’est dans ce contexte que nous faisons la connaissance de Magdedinne, un homme âgé d’une quarantaine d’années, sage musulman connu pour avoir appris le Coran par cœur, paysan originaire du nord de l’Egypte, devant quitter son village natal pour des raisons qui nous sont explicitées au début du roman, se retrouve avec sa jeune épouse et leur petite fille à Alexandrie. Mais tandis que Magdedinne et sa petite famille tentent de s’adapter à cette grande ville puis de s’installer dans une nouvelle vie, tandis qu’il se lie d’une solide amitié avec Damien le copte venu du sud, la situation mondiale évoluant et la guerre, tel un prédateur tournant autour de sa proie se faisant de plus en plus présente, viendra marquer le cours de leur vie.
A travers l’histoire de Magdedinne et ses proches, l’auteur livre une sorte de chronique des principaux événements qui ont fait la manchette de par le monde, puis en Egypte et enfin plus particulièrement à Alexandrie où nous découvrons les répercussions qu’ils ont pu avoir sur les existences des habitants de cette ville.
Si le procédé employé peut sembler peu créatif, il n’en demeure pas moins qu’il est plutôt bien réalisé, il fonctionne bien puis en conjonction avec la perspective adoptée, la teneur ‘documentaire’ qui l’anime contribue au réalisme et la valeur du récit.
Bien que souffrant de contours parfois hésitants, les personnages m’ont semblé suffisamment bien constitués, d’autant qu’ils exhibent une certaine évolution dans le temps, ce qui leur confère volume et crédibilité.
Outre le contexte, la mise en relation de ces personnages, la plupart issus de divers horizons, met bien en relief des phénomènes tels que la méfiance, les tensions sociales, raciales et religieuses, l’intolérance, les préjugés, l’amitié, la solidarité, etc.
Peu complexe mais fort d’un point de vue Egyptien, ce roman offre un bon tour d’horizon et dresse un portrait réaliste de ce que fut la vie à Alexandrie et ses environs à l’époque où Hitler tentait de conquérir le monde. Ne serait-ce que pour ça, il vaut la peine d’être lu.
1.Cités à la dérive par Stratis Tsirkas
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